Comme à son habitude, le piteux Ménélas
Avait raté son coup. Hélas, trois fois hélas !
La frétillante Hélène restait donc sur sa faim,
Pour la énième fois ses espoirs restaient vains.
Son corps épanoui aux formes luxurieuses,
Son regard d’émeraude et sa bouche pulpeuse
Laissaient la libido du roi froide comme glaçon :
Le souverain de Sparte préférait les garçons.
Or, voilà qu’un beau soir vint accoster au port
Une altière trière nageant toutes rames dehors.
A bord était Pâris, l’un des princes troyens
Qui venait faire la bombe dans les night-clubs doriens.
Ce dernier était jeune et de mine coquette.
Il était réputé d’être, au lit, un athlète.
Ménélas l’invita par courtoisie royale
Escomptant en secret emballer ce beau mâle.
Il se gourait, le bougre de Lacédémone.
Pâris était viril, plein de testostérone,
Il n’aimait que les femmes, pucelles ou gourgandines.
Il subjugua Hélène par ses façons câlines.
La reine insatisfaite et frustrée de caresses
Dans les bras du Troyen connut enfin l’ivresse,
Le vertige et l’extase. Elle s’enfuit avec lui
Et ils appareillèrent au plus noir de la nuit.
Alors quand se leva « l’aurore aux doigts de rose »
L’ambiance du palais était déjà morose
Et le royal cocu, le divin Ménélas
Écumait sur son trône d'avoir perdu la face.
Il fut pris tout à coup d’une folie furieuse,
Trépignait, s’agitait en maudissant la gueuse
Qui venait de faillir à son devoir de reine
Avec un foutriquet de vingt-deux ans à peine.
Et ses rugissements de dépit et de rage
Dominaient la rumeur du ressac sur les plages,
S’entendaient au-delà des murs cyclopéens,
Résonnaient sur la plaine d'une clangueur d'airain.
La redoutable Sparte venait d’être outragée,
Son honneur bafoué devait être vengé :
A ces foutus Troyens, cette mauvaise engeance,
On devait sur-le-champ aller trouer la panse.
Et le peuple gueulait :“Fonçons sur Troie quatre à quatre !
Pour punir la salope on est prêt à se battre !”
Mais Ménélas savait, comme chacun des rois Grecs,
Qu'on ne vaincrait pas Troie en un simple cinq sec.
Pas question d’embarquer à la six-quatre-deux
Pour Troie et l’Hellespont sur des bateaux poreux.
Il fallait rassembler les armées achéennes.
Alors il appela son frangin de Mycènes.
Le sombre Agamemnon se chargea de l’affaire.
Il siffla ses copains et tous ses partenaires,
Ulysse le roublard, Achille aux pieds véloces
Et Ajax le furax qui rêvait plaies et bosses.
Mais chacun déclina le projet du grand Roi.
“Des histoire de fesses, nous, on s'en mêle pas.
Si elle avait grimpé jusqu’au septième ciel
C'est pas à Troie qu'Hélène irait chercher son miel !”
Le dur Agamemnon sut pourtant les convaincre.
« A Ilion, leur dit-il, le roi Priam ce pingre
A entassé de l’or, par milliers de lingots,
Y a des femmes superbes et c'est pas des ragots !”
Voilà comment les Grecs ont décidé la guerre
Chantée par un aède ayant pour nom Homère.
Et, par delà les siècles, décennies et décades,
Cette affaire est connue sous le titre d'Iliade.
JC Perpère “Mythologies” 2020